Son nom est barbare : acide de perfluorooctane (ou PFOA). Pourtant, tout le monde connaît indirectement cette substance chimique. Elle sert à fabriquer le Teflon qui recouvre nos batteries de cuisines (1). Mais pas seulement. On en trouve dans une multitude de produits qui vont des emballages de fast-food aux cosmétiques, en passant surtout par les moquettes où elle sert de traitement imperméable, anti-tache et anti-graisse. Tout comme l’autre célébrité de sa famille : le sulfonate de perfluorooctane (ou PFOS) qui n’est autre que le fameux Scotchgard.
Les composés perfluorés sont au total 175 à avoir des noms imprononçables. Et depuis plusieurs années, les scientifiques sont intrigués par une question : pourquoi polluent-ils la planète entière ? Ils ne parviennent pas à comprendre pourquoi de très importantes quantités de perfluorés se promènent dans la nature. Car ces produits quasi-magiques ont aussi cela de particulier qu’ils sont ubiquitaires et persistants dans l’environnement. PFOS et PFOA sont dans notre sang, la nature, l’eau et les organismes des animaux sauvages, jusqu’au pôle Nord. Jusqu’aux ours blancs. De nos jours, même le cordon ombilical des nouveaux-nés en contient.
Dernier détail : en 2005, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a classé le PFOA “cancérogène possible” pour l’homme.
L’un des plus grands enjeux aujourd’hui est de déterminer d’où viennent exactement tout ce PFOA et tout ce PFOS. Pour cela, les scientifiques essaient de déterminer si le PFOA est un produit de dégradation. En d’autres termes, de déterminer si c’est l’ensemble des composés perfluorés, digérés et dégradés par les éléments et le temps, qui se transforment ensuite en PFOA. Dans ce cas, tous les perfluorés seraient de potentielles sources de pollution. Leur avenir à tous serait alors menacé.
Cela explique sans doute pourquoi DuPont affiche sa satisfaction à l’issue d’une étude de deux ans qui conclue par la négative. Géant mondial de la chimie, inventeur du Teflon en 1938, DuPont est le principal fabricant de Teflon dans le monde. Dans cette nouvelle étude, leurs chercheurs maison expliquent que le PFOA qu’ils détectent provient de résidus et d’impuretés libérés par les objet contenant du Teflon. Ils affirment ainsi que les perfluorés ne se dégradent pas sous la forme de PFOA. Certains chercheurs contestent cependant leurs conclusions. Tout en saluant l’importance de l’étude, Cathy Fehrenbacker, responsable des investigations sur le PFOA pour l’EPA, met en garde contre toute “surinterprétation” des résultats et critique la méthodologie de l’étude. Pour sa part, le plus grand spécialiste de la détection des perfluorés dans la nature, Scott Mabury, et son équipe de l’université de Toronto ont montré en 2007 que le processus de dégradation des perfluorés en PFOA pouvait avoir lieu au sein d’un organisme vivant. Ils ont administré du polyfluoroalkyle phosphate à un rat de laboratoire. La substance s’est transformée en plusieurs formes dégradées, parmi lesquelles du PFOA, qui n’était pourtant pas présent au départ. Il faudra sans doute attendre plusieurs années avant d’avoir la moindre certitude.
(1) Attention de ne pas se mélanger les pinceaux : le PFOA est un intermédiaire de fabrication du Teflon (lui-même polytétrafluoroéthylène, ou PTFE sous son identité chimique). Et non pas le Teflon ou un ingrédient du Teflon.
Sources : Rebecca Renner. Do perfluoropolymers biodegrade into PFOA ?, Environmental Science & Technology on line, 9 janvier 2008. D’eon J.C., Mabury S.A. Production of Perfluorinated Carboxylic Acids (PFCAs) from the Biotransformation of Polyfluoroalkyl Phosphate Surfactants (PAPS) : Exploring Routes of Human Contamination, Environmental Science & Technology, 2007 Jul 1 ; 41(13) : 4799-805.
Pour en savoir plus : Il existe peu d’informations en Français sur les composés perfluorés. Le chapitre 3 de La grande invasion leur est entièrement consacré.